Récit de voyage #2

Aujourd’hui, c’est Frédo qui nous fait part d’une navigation qui l’a particulièrement marqué !

« En juin 2021 j’ai eu la chance de participer au convoyage d’un trimaran Neel 47 ! Alignement de planètes assez incroyable. Je passe à vélo sur le port et m’arrête discuter avec Jules, le patron d’un restaurant, on parle de tout et de rien (surtout de rien ahahah) et 5 jours plus tard je me retrouve à Faro au Portugal pour aider Steve, un pilote de ligne américain qui va à Valencia ! Le bateau est dingue de performance, de confort et de technologie. Steve est sympa et on s’entend très vite très bien. Les miles défilent, les paysages côtiers se rapprochent et disparaissent. Les dauphins et les oiseaux de mer nous accompagnent régulièrement. Et le 10 juin, le détroit de Gibraltar est dans l’étrave, nous voyons, l’Afrique !

Le parfum de cette terre est puissant, très présent. C’est incroyable, déroutant et choquant de se rendre compte de la proximité géographique, quelques miles seulement, mais aussi de la distance culturelle, sociale et économique. Si proches, si loin. Des différences qui font que des hommes, des femmes, des enfants prennent des risques énormes en essayant de rejoindre le projecteur éblouissant de l’Europe. À la VHF, nous entendons un signalement et le destin de ces migrants qui paraît déjà tragique filtré par nos médias devient immédiatement dramatique. Quelques heures plus tard, difficile de continuer le voyage mais peut-être l’habitude conduit-elle à la résignation et au renoncement. En repensant à ces moments aujourd’hui, ça reste encore très intolérable et ambigu de constater ce qui se passe et de ne pas agir individuellement et collectivement. Le voyage apporte aussi beaucoup de bons moments et l’étape à Gibraltar en est un pour une partie très spéciale : le départ au petit matin, zigzagants dans la brume entre les super tanker et les grands dauphins, dans des lumières irréelles. Au milieu de nombreux souvenirs de navigation, ça reste comme quelque chose de vraiment à part. »